[Black Success-stories] episode 3 : Mohamed Dia, le king du streetwear made in France

Dans la série jeune, noir et millionnaire, après avoir parlé du génie de la mode qui a révolutionné Savile Row, de la jeune haitienne Leana Archer qui a créé son business de cosmétique à 9ans,  voici aujourd’hui, un autre renoi qui lui aussi a su imposer son style sur marché des vêtements streetwears en France. J’ai nommé : Mohamed Dia.

Le parcours de ce jeune millionnaire comporte tous les ingrédients de la success story du self-made-man en trois épisodes 1) L’ascension. Parents immigrés, pauvreté, goût pour la frime et l’épate, idée de business qu’on fait fructifier, copains qui vous font la courte échelle, succès. 2) La rançon de la gloire. Flambe, jalousie et procès en trahison par ceux restés bloqués en bas de l’échelle. 3) La maturité. Douleur qui met du plomb dans la tête. Envie accrue de conquérir le monde, mais renvoi d’ascenseur envers les petits frères. Bizness et charité.

Reprenons depuis le début. Mohamed, né en 1973 est le cinquième et dernier môme d’une famille d’immigrés maliens qui ont quitté leur Afrique natale pour s’installer à Sarcelles, en banlieue parisienne. Son père est agent d’entretien à Radio France, sa mère cuisinière à Disneyland Paris. Au collège, l’école l’ennuie terriblement et il comprend vite que ce n’est pas sa voie. Il joue au foot, puis passe au basket quand la mythologie NBA (seuls les Blacks savent «dunker», le talent naît dans la rue, etc.) réussit son OPA sur les banlieues françaises. Il fait déjà gaffe à ses fringues, siglées Nike, Fubu, ou Adidas comme tout le monde. Première année de BEP, Dia prend la tangente, ascenseur scolaire en dérangement. Il se fait livreur de pizzas et s’incruste dans le goudron des playgrounds, disputant les tournois de basket qui prolifèrent.

Mais difficile de rêver à Jordan du haut de son 1,78 m. Il glandouille, vit de petits délits, passe par la case prison. Et tord le nez devant la réussite de ses copains d’école qui font carrière dans le rap, Stomy Bugsy, le duo d’Arsenik et autres caïds du Secteur A. Faut bien vivre! Le voilà emploi-jeune à la mairie de Sarcelles. Total raccord avec le matérialisme ambiant, il ne sait trop comment prélever sa dîme pour s’offrir la Rolex et la Merco Benz. Vol dégriffé pour quelques semaines à New York et là-bas, « impressionné » par la présence de la communauté noire à la télévision, son implication dans la société, il réalise le fossé avec la France ; et c’est… la révélation !

De retour en France, c’est décidé. Lui aussi va imposer sa griffe, comme les Blacks de Fubu (For Us By Us), qui saturaient de cotiser au syndicat du luxe blanc et qui s’étaient improvisés délégués très personnels du peuple des fringues renois. Sa fibre très française, très black-blanc-beur, façon Mondial 98 et sens de ses intérêts bien compris, le poussent à adopter son positionnement marketing à la Benetton. Il veut habiller « aussi bien la « caillera » que les bourgeoises du XVIe ».

Il ne connaît pas grand-chose au textile mais il a du pif. Il ne sait pas crayonner, mais il pilote les stylistes.  En cheville avec un industriel qui l’aide à produire ses propres fingues, il se concentre sur le marketing. Il est l’image et le visage de sa propre marque. Sa méthode: faire porter gratuitement ses produits par des potes déjà reconnus. Les rappeurs Doc Gyneco, Stomy Bugsy, Arsenik lui mettent le pied à l’étrier. Ensuite, il fait du forcing auprès des Blacks sensibles à la cause, comme Thuram (foot) ou Dieudonné (comique). Mais le talent de marketeux de Mohamed Dia réside dans sa perception du rôle des médias pour l’accès à la notoriété. Il utilise ce qu’il appelle son  » diplôme de HEC  » (Haute Ecole du Culot) pour faire le siège des rédactions et des télévisions avec son histoire de « djeun des banlieues qui a réussi »… et ça marche ! « Les journalistes m’ont fait à 90 %  » Sa marque s’impose rapidement avec l’aide de la pub que lui font les médias.  Trois ans seulement après le lancement de sa griffe M.Dia, il signe un accord de licence avec la NBA aux Etats-Unis. Peu après, avec l’artiste Wyclef Jean, il crée une nouvelle ligne pour pénétrer le marché américain.  Aujourd’hui, M.DIA, pèse 18 millions d’euros de chiffre d’affaires, compte 650 points de vente en France, 200 aux États-Unis, et est présent dans huit pays.

Grâce à son bagout, à son art de l’incruste, à sa bonne bouille de bonze cool à micromoustache, il force la sympathie. Il séduit même l’homme d’affaire français Bernard Tapie qui le vampe en retour. Conséquences: Dia néglige Mandela dont on avait fait son modèle sans lui demander son avis. Et il vénère Tapie: « Il a du courage. Ça, c’est un homme. On a essayé de l’abattre. Il est tombé, mais il s’est relevé. »

Aujourd’hui, Dia a pris le large. Il s’installe à Washington, apprend l’anglais, se met au golf, manoeuvre pour approcher Michael Jordan ou Shaquille O’Neal. Il écoute Miles Davis, oublie un peu le rap. Etant assez dragueur, s’étonne des facilités qu’offre le fric, mais songe avec nostalgie à son premier amour de collège. Il se présente comme « musulman non pratiquant ». « Croire en Dieu n’est pas ma priorité. Ma priorité, c’est de réussir ma vie. »Loin de la cité. Uniquement en son nom.

Voici quelque temps, il déclarait: « J’ai toujours su que j’étais intelligent et que je réussirais. En 3e, j’avais 4 de moyenne en maths, aujourd’hui, j’ai 4 millions sur mon compte en banque. La première de la classe, elle, elle bosse à la Poste. »

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