Le message philosophique dans Matrix : Bienvenue dans le désert du réel

Ce weekend, je me suis pris à redécouvrir de vieux DVD qui trainaient dans ma dvdthèque. C’est ainsi que j’ai redécouvert la triologie Matrix. Sorti en 1999, Matrix est indéniablement l’un des blockbuster les plus géniaux de cette dernière décennie. La trilogie réalisée par les frères Andy et Larry Wachowski, évoque l’idée horrible selon laquelle le monde tel que nous le connaissons ne serait rien de plus qu’une vaste « simulation informatique » (la Matrice) basé sur rien d’autre que nos perceptions celébrales. Le film prétend que la réalité dans laquelle nous vivons au quotidien n’est en fait qu’un rêve contrôlé par des forces supérieures, et que la véritable destinée de l’Homme est l’éveil. C’est manifestement un des films les plus philosophiques jamais produits par Hollywood (à mon avis). Ils ont remis au goût du jour des analogies philosophiques comme « l’allégorie de la caverne » de Platon et l’histoire du malin génie de Descartes, d’une façon qui captive et intéresse les gens. Chaque personnage du film, chaque dialogue, et chaque symbole est comme un hypertexte de métaphore, d’illusion en philosophie, en maths, science, physique, biologie, dans le langage informatique et dans la religion. Et les références empruntés à la culture populaire, aux mythes, aux religions et à philosophie sont nombreuses…Bref! un film d’action intellectuel en somme!

MATRIX

La vie : réalité ou vaste illusion?

« As-tu déjà fait un rêve qui te semblait plus vrai que la réalité? Si tu ne sortais plus de ce rêve, comment ferais-tu la différence entre le rêve et la réalité? » Morpheus à Neo

Les frères Wachowski sont vraiment extrêmement soucieux dans leur film de dénoncer le mensonge, de dénoncer la superficialité. Pas seulement en Amérique, mais dans toute la société post-moderne. Les problèmes philosophiques dans Matrix sont frappants. Les questions sont fantastiques : Comment savons-nous ce que nous savons ? Comment être sûr de ce qu’on sait ? Comment être sûr que le monde tel qu’il m’apparaît à travers mon expérience est semblable au monde au-delà de mon expérience ? Qu’est la conscience humaine ? Pourquoi pouvons-nous faire des expériences subjectives ? Comment le corps est-il lié à l’esprit ? Avons-nous un libre arbitre ?

Le film réussit à présenter certains problèmes philosophiques à un très large public, comme dans ce dialogue simple :

« – Oracle : Et ne t’en fais pas pour le vase…
– Neo : Quel vase ?
*Neo en se retournant renverse accidentellement le vase derrière lui par terre*
– Oracle : Ce vase !
– Oracle : Ce qui va te mettre le haricot en ébullition c’est : L’aurais-tu également cassé si je ne t’avais rien dit ? »

Ca raconte une prise de conscience, une façon de regarder le monde, d’être dans le monde, de traiter les autres, de se comporter face aux autorités et face aux subalternes.

« Commandeur Lock : Bon sang Morpheus ! Tout le monde ne partage pas votre conviction.
– Morpheus : Ma conviction ne force personne à croire. »

C’est un vériable exercice de réflexion qui nous aide à penser à des choses qui seront importantes dans le futur.

Regarder le monde de Matrix tel qu’il est décrit dans le film mène à cette métaphysique radicale du comment les choses pourraient être. Ce n’est pas seulement un film, c’est aussi ce profond message, c’est un message très prophétique, très progressiste, mais quand même distrayant, amusant, dérangeant et apaisant, toutes ces choses que l’art devrait être.

Et un paradis virtuel est-il préférable à une réalité infernale ?

« La plupart ne supporteraient pas d’être débranchés, certains sont tellement dépendants du système qu’ils iraient jusqu’à se battre pour le protéger. » Morpheus

Un autre problème philosophique dans Marix peut être posé en termes bouddhistes. Les hommes sont pris au piège dans le cycle des illusions, et l’ignorance de ce cycle les y maintient enfermés, totalement dépendants de leurs propres interactions avec le programme de la matrice, des illusions que les expériences sensorielles fournissent et des projections sensorielles des autres. Ces projections sont renforcées par le formidable désir des hommes de croire que ce qu’ils perçoivent comme réel est bien réel. Ce désir est si fort que le personnage de Cypher y succombe. Ne pouvant plus supporter le « désert du réel », il demande à réintégrer la Matrice. Assis en compagnie de l’Agent Smith dans un restaurant haut de gamme, fumant un cigare accompagné d’un grand verre de whisky, Cypher explique ses raisons :

« Bien sûr, je sais que ce steak n’existe pas. Je sais que lorsque je le porte à ma bouche, la Matrice dit à mon cerveau qu’il est juteux et délicieux. Mais au terme de neuf années, savez-vous ce que j’ai compris ? L’ignorance c’est le bonheur. »

Cypher et son faux Steak

Cypher et son faux Steak

Cypher sait que la Matrice n’est pas réelle et que tous les plaisirs qu’il éprouve ne sont que des illusions. Pourtant, « l’ignorance » lui paraît préférable à l’éveil. Niant la réalité qu’il sait en dehors de la Matrice, il utilise une formule à la négation redoublée :  » Je ne veux pas me souvenir de rien. De rien. Je veux être riche. Quelqu’un d’important. Comme un acteur. » Non seulement Cypher ne veut pas oublier le « rien » de la véritable réalité, mais il souhaite être aussi un « acteur » afin d’ajouter un autre niveau d’illusion à l’illusion de la Matrice dans laquelle il choisit de retourner. Il explique d’ailleurs plus tard son dégout pour la réalité :

J’en ai marre, Trinity. J’en ai marre de cette guerre, marre de me battre, marre de ce rafiot, d’avoir froid, de manger la même saloperie de bouffe matin et soir ! Et par dessus tout, j’en ai marre de ce trou du cul et de toutes ces salades !

Voilà l’ironie du sort dans Matrix. Les gens, volontairement ou non, deviennent les moyens de production. Ce grand symbole des gens devenant des piles lorsqu’ils dorment, leurs corps sont en fait l’énergie qui alimente cette ville de robots et toute cette société mécanique. C’est un symbole très puissant parce que les gens, lorsqu’ils sont endormis et inconscients de ce qui se passe, sont totalement exploités. Ils font don de leur force vitale pour faire vivre toute cette société. Lorsqu’on consomme passivement, on se dépouille de notre force vitale.

A ce stade, Matrix n’est plus un récit de l’homme face à la technologie. il s’agit plutôt de la représentation d’une pensée rigide, un contrôle institutionnalisé auquel les gens acceptent généralement de se soumettre. Il y a une critique sociale, un matérialisme dialectique qui est une sorte de marxisme mâtiné de Cornel West.

« Morpheus : Tu es un esclave, Neo. Comme les autres tu es né en captivité, dans une prison sans saveur ni odeur. Une prison, pour ton esprit. »

Cornel West est un philosophe et professeur de religion et d’histoire sur les Noirs américains à l’université de Princeton. Il a abondamment écrit sur la façon dont les Noirs se voient à travers les yeux des Blancs. Ils ne se voient pas avec leurs propres yeux en tant qu’êtres humains authentiques mais à travers toute une structure d’idées qui leur est donnée par la société blanche dominante. C’est une idée que les frères Wachowski avaient à cœur d’incorporer comme un des fils conducteurs, dans ce multiplex de prisons dont les gens cherchent à s’échapper.

Voilà à peu près ce que m’inspire Matrix, et me fait le considérer comme un des plus grands chef-d’oeuvre du cinéma de tous les temps. Pour aller plus loin, je vous conseille cette excellente analyse du premier épisode de la trilogie.

Funny Fact : Mon pseudonyme « NEO » fait référence aux personnage principal de Matrix auquel je m’identifie. 🙂

11 Commentaires Le message philosophique dans Matrix : Bienvenue dans le désert du réel

  1. Michael

    Salut NEO,

    Ce film est un excellent film. A chaque fois que je le regarde, je découvre un nouvel élément, je vois certaines choses avec un angle différent.
    En fait, ce n’est pas temps un film que cela. Beaucoup d’éléments peuvent s’appliquer à notre société d’aujourd’hui.

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  2. Kurtis

    Neo, es tu au courant que matrix est issue du vole d’une short story d’une romancière noire appeler « the third eyes »( Sophia Stewart )qui l’avait proposé à la warner’s?
    je te laisse un lien, mais tu en trouvera des dizaines d’autre via google…

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    1. Neo

      @ Kurtis,

      En effet, j’avais entendu parler de cette histoire. malheureusement, ceux qui sont à l’origine de certaines idées n’ont pas toujours la reconnaissance qu’ils méritent. On s’inspire toujours de quelqu’un…

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  3. AfrokanLife

    Salut Néo!
    La métaphore du film Matrix est bouleversante. Bien qu’on interprète ce que l’on veut, je trouve qu’on peut faire une thèse sur les citations de Morphéus.

    La Matrice | Le Système. Ces espèces de forces invisibles mais si présentes qui régissent nos vies sans que l’on se rende compte! Il faut véritablement se faire violence pour en sortir.

    C’est d’ailleurs pour cela que le personnage de Cypher est intéressant. L’illusion d’une réalité vaut-elle la réalité ? Perso, je ne sais pas. Ca dépend de tellement de facteurs. Il serait si facile de revendiquer la réalité, mais l’expérience me montre chaque jour le contraire.

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  4. Ness

    Et ba franchement… Chapeau pour ton analyse. Je suis totalement d’accord avec toi. Ce qui est aussi cool avec ce film c’est que sa peut traverser les années sans se démoder et tout en restant dans la même critique de la société. J’adore ton analyse vraiment je l’ai trouvé vraiment cool. Bravo!

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  5. Mathieu

    J’ai eu la même réflexion que toi quand j’ai re – vu le film avec des yeux neufs il y à pas si longtemps, la référence à La Caverne est clair est net ont peut même dire que le film en est presque une libre interprétation, et ça fait plaisir de voir que ça t’as aussi fait penser au Méditations de Descartes, c’est vrai que quand on voit le film après avoir eu quelques apports philosophiques que l’on n’a pas en tant qu’enfant, ça saute tellement aux yeux, et Matrix devient bien un film d’action intellectuel, et il y en a trop peu malheureusement.

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  6. Une Ivoirienne A Paris

    je n’avais jamais compris ce film à vrai dire. et là, vous venez de me donner une raison de le revoir, avec un oeil neuf (rires).

    une chose est sure : l’ignorance, c’est le bonheur (exemple le plus vieux : ada et ève au jardin d’éden).

    pour ma part, pas plus tard que ce week-end, j’ai découvert que la belle couleur rouge dans certains aliments dont le raffole est dû au « jus » d’une chenille (la cochenille)… depuis je ne peux plus les consommer… j’étais heureuse dans mon ignorance. loool beau billet

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    1. salut

      J’ai eu la même réflexion que toi quand j’ai re – vu le film avec des yeux neufs il y à pas si longtemps, la référence à La Caverne est clair est net ont peut même dire que le film en est presque une libre interprétation, et ça fait plaisir de voir que ça t’as aussi fait penser au Méditations de Descartes, c’est vrai que quand on voit le film après avoir eu quelques apports philosophiques que l’on n’a pas en tant qu’enfant, ça saute tellement aux yeux, et Matrix devient bien un film d’action intellectuel, et il y en a trop peu malheureuseme

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  7. Vincent

    Bonjour,
    C’est également une métaphore du moyen d’atteindre le bonheur, dans le sens où, ce que nous vivons dans ce que nous considérons être la réalité, n’est que le résultat de croyances et autres peurs. Par exemple, une situation n’est ni bonne ni mauvaise, est EST tout simplement. Si nous ne jugeons pas les choses par la dualité, alors tout devient plus simple, les situations ne deviennent que des expériences nous donnant l’occasion d’en apprendre plus sur nous-même, nos peurs, nos limitations, etc …
    Ce que propose cette métaphore, c’est de nous montrer que si nous décidons de prendre conscience que ce que nous voyons n’est qu’une illusion alors pour vivre le bonheur, il suffit d’ETRE au monde et vivre de façon consciente (vivre l’instant présent) afin d’être en capacité de comprendre que toute situation se présentant à nous est issue de nos propres projections. Si l’on projette du négatif (peur), on reçoit du négatif (une expérience nous faisant vivre la peur). A l’inverse les pensées positives amènent du positif.
    Cela engendre la capacité à ne plus voir le monde selon ses propres filtres, et donc dépasser les doutes et les croyances limitantes.
    Tout devient alors possible …
    L’enfant à la cuillère: « N’essaie pas de tordre la cuillère car c’est impossible … tu dois essayer de te concentrer pour faire éclaté la vérité. »
    Néo: « Quelle vérité ? »
    L’enfant: « La cuillère n’existe pas ! Et la tu sauras que la seule chose qui se plie n’est pas la cuillère, c’est seulement ton reflet »

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