Lettre à moi dans dix ans

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Retour vers le futur

Cher Neo du Futur,

Comment vas-tu ? Tu écris ou plutôt j’écris ceci le jour de tes 27ans. C’est à peu près le moment où tu réalises que tu es devenu un adulte et que le temps commence à ressentir le blues du quart de vie. Tu sais, Ce passage psychologique situé entre la fin des études et le début de la vie active, à la fois difficile et riche de promesses. Au moment où tu recevras ceci, tu devrais avoir 37ans et nous serons en 2023. Je voudrais tout d’abord te dire à quel point je suis heureux que tu puisse lire cette lettre ; car cela insinue que je, enfin tu, a survécu et n’es ni mort, ni aveugle. Alors, ça fait quoi d’être à l’apogée de sa vie active ? Où en es tu dans ta carrière ? Et tes rêves ? Es-tu riche et célèbre ? Es tu marié? Combien d’enfants? As-tu fini de rédiger et publié tes Essais? Excuse moi de te bombarder de questions. Certaines d’entres elles doivent te paraître probablement drôles avec le recul n’est ce pas? 🙂

Vois tu, aujourd’hui, je me trouve à une intersection et j’ignore encore quel chemin de vie nous prendrons. J’ai terminé ce pour quoi j’étais venu en France : les études. La transition professionnelle s’est avérée plus compliquée que prévue, et l’incertitude a eu tendance à me paralyser ces derniers temps. Mais rassures toi hein ! Je travaille vraiment dur actuellement à te remettre en selle, à te réapproprier tes rêves. Please, dis moi que tu as continué à t’accrocher, que tu as repris le flambeau et que tu l’as porté encore plus loin, plus haut !!! J’ose croire que ce n’est pas le cas, mais je te préviens quand même : si tu es actuellement coincé dans un job routinier et dénué de challenges  PLEAASSE, DEMISSIONNES!!!! FAIS LE TOUT DE SUITE !!!! Sérieusement ! Tu n’as pas d’excuses pour ne pas vivre toutes les magnifiques expériences que tu as toujours rêvé de vivre et ce pour quoi je me suis battu.

Nous sommes en 2013, et cette année encore, les effets de la crise se font sentir. On nous rabat sans cesse les oreilles sur le fait que nous la génération Y, sommes une génération sacrifiée. Vois-tu, nous sommes nés avec internet, l’avènement du tout gratuit, les technologies, le Savoir. Nous nous sommes appropriés toutes ces inventions et le Savoir de ces vingt dernières années et paradoxalement, jamais notre avenir n’aurait été si incertain. Contrairement à nos parents, beaucoup d’entre nous sont convaincus qu’ils n’auront jamais un emploi stable jusqu’à la retraite, qu’ils ne toucheront peut être même jamais de pension retraite (si jamais ils arrivent jusque là). Impossible de trouver un logement à un loyer décent, ou à acheter un appartement sans s’endetter sur 30ans. On est loin de l’époque à Papa…le même métier, la même société, les mêmes collègues, les mêmes tâches, la même routine, qui se répètent jours après jours…pendant 40ans. L’avenir s’annonce bien incertain. Alors, nous nous préparons. Je te prépare à faire face. Car il n’y a que deux façons de regarder les choses : soit comme des difficultés, soit comme des opportunités. En ce moment, je vois tout ce qui m’arrive comme des opportunités. J’ai rompu avec cette fille il y a quelques mois parce que j’ai enfin compris qu’elle ne me ferait pas devenir toi. C’est l’opportunité de faire de nouvelles rencontres encore plus intéressantes, et j’en profite. 🙂 Le chômage et les difficultés professionnelles, c’est l’opportunité de changer de vie, de partir à l’étranger, de peaufiner ses projets personnels, et j’en profite également…bref, de faire des choses que je n’aurais peut-être jamais eu la possibilité de faire en d’autres circonstances. Le modèle de croissance économique occidental dans lequel je vis est en crise. C’est l’occasion de regarder vers l’Afrique, la Chine et les autres pays émergents. Si mes prévisions sont exactes, le PIB de l’Afrique aura quadruplé d’ici là. Et toutes les économies que j’y investis aujourd’hui doivent te rapporter un joli pactole. Alors, merci qui? Vois-tu, J’ai forgé ton intelligence, ton caractère et ton ambition au prix d’une privation douloureuse. Et j’espère que tu vis ta vie d’adulte comme une récompense.

Où en es-tu dans notre fameuse liste de trucs à faire avant de mourir ? Je suppose que dois avoir déjà accompli plus de la moitié. J’espère aussi que de sérieuses avancées ont été faites sur les multiples maux sociaux, économiques et environnementaux de notre époque. Que des traitements du Cancer et du Sida ont été trouvés.

Tu n’aurais jamais cru que tu serais là où tu es à 37ans hein ! Rappelles toi d’où tu viens : fils une pauvre petite instit veuve et élevant toute seule ses 7 mômes. Que de chemin parcouru depuis ce petit village de ton enfance quelque part en Afrique n’est ce pas!  D’ailleurs, en parlant de la famille, comment va maman ? J’espère que tu continues de prendre soin d’elle, et surtout que tu profites intensément de chaque moment qui vous reste à partager ensemble. J’espère que tu rattrapes toute ces années que j’ai passé loin d’elle, à cause de cette privation dont je te parlais plus tôt. Tu n’as pas oublié ce que je nous nous étions dit j’espère ! Qu’elle sera toujours l’une des trois femmes les plus importantes de ta vie avec ta fille et ta femme et que tu devras tout faire pour elles. Comment va ta petite famille au fait ? Je suppose que tu as finalement trouvé cette femme « AWESOME » avec qui vivre cette grande aventure qu’est la vie. Ce serait drôle de me dire que je l’ai peut être déjà rencontré aujourd’hui, mais que j’ignore juste que c’est elle. Anyways, je vous souhaite vivement de vieillir ensemble comme on l’avait toujours prévu. Et si tu as des enfants, j’espère aussi que tu n’as pas oublié de leur enseigner nos leçons.

Je vais te laisser sur ces mots, espérant avoir de tes nouvelles bientôt. J’ai pris énormément de plaisir à te rédiger cette petite note du passé. Tout est entre tes mains maintenant mon pote. Profites bien de la vie buddy!

Neo.

Mars 2013

8 Commentaires Lettre à moi dans dix ans

  1. Thomas

    Juste sublime et émouvant… Un mélange d’optimisme et de tristesse… J’espère que le premier prendra le dessus sur le deuxième !

    RDV dans 10 ans 🙂

    Thomas

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  2. Caro

    Cher Neo de 2023,

    Quand tu liras ces lignes, tu auras déjà compris que l’analyse de ton environnement de 2013 a été quelque peu brouillée par une poignée d’être super-humains et qui gardent le contrôle sur ta conscience. Tu t’es souvent débattu pour penser différemment, mais la pression sociale est parfois trop forte dans tes moments de faiblesse.
    Tu auras déjà réalisé que finalement, ce n’est pas la génération Y qui a été sacrifiée, mais bel et bien toutes les générations. Tu auras réalisé que finalement ta génération est malgré tout bien meilleure que toutes celles du passé, même celle de tes parents (jugée jusque là, soi-disant, la moins pire de toutes). Je suis une femme de 32 ans et si j’analyse un peu ma mère au même âge (de ce qu’elle m’a raconté), je me rends bien compte que beaucoup de choses ont changées en mieux entre sa génération et la mienne. Ma santé est meilleure, ma liberté sociale est plus grande, mes rêves sont plus grands et plus facilement réalisables, l’accès au Savoir est plus rapide, ma prison sociale est plus élargie. Alors oui, des problèmes dits modernes sont apparus. Mais d’autres plus anciens ont disparus. Nous nous trouvons juste dans une balance. Et on ne retient bien souvent que le mauvais côté.

    En 2013, tout le monde voyaient le chômage comme la perte de notre société. Tu parlais de chômage accru en France. Mais avant 2013, à l’époque où le chômage était moins présent, l’industrie et l’agriculture dominaient, donnant un travail à tout le monde. Cool hein ? Mais quel genre de travail ? Un taf souvent pénible physiquement. Une économie qui ne permettait pas facilement de voyager à travers le monde (donc manque d’ouverture d’esprit), un système social qui ne te permettait pas vraiment de t’exprimer, mais de juste travailler et de te taire.

    Quand je discutais avec ma mère en 2013, elle me soutenait malgré tout son sentiment de vie meilleure « avant ». J’ai donc voulu savoir vraiment ce qu’elle trouvait de meilleur. J’en retiens une chose importante : le manque de recul et un jeu avec de mauvaises règles. Elle me dit « Tout le monde avait un travail, une famille, des règles bien huilées, une maison. L’image du bonheur ». En 2013, elle a pourtant un travail, une famille, des règles bien huilées et une maison. Qu’est-ce qui a changé pour elle ? Rien. Mais « c’était mieux avant ».
    Je pense alors une chose : tout est dans le discours social. Le discours de mes parents quand ils avaient 32 ans étaient « ce sera mieux demain ». La société, histoire de changer de slogan, est passé à « c’était mieux avant ».

    Cher Neo, quand tu liras ces lignes tu riras car tu avais déjà toutes les réponses à tes inquiétudes (tu l’avais écrit dans un autre billet, « thinking out of the box »). Que le problème de ton entourage est son manque de volonté à s’adapter dans un nouveau monde. En 2013, nous avons joué à un nouveau jeu mais avec de mauvaises règles (les règles d’avant). En 2023, aujourd’hui, la vie est belle car tu joues au bon jeu avec les bonnes règles. Ouaip, « c’était moins bien avant, aujourd’hui c’est cool ».

    xo

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    1. PAYTON

      Merveilleurx Commentaire, Cher Néo, Caro t’a tou dit. Il ne reste qu’à te souhaiter bon vent et espérer que tu résistes à tous les maux sociaux et que 2023 te trouve dans ce monde, Clair, tu auras changé!

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  3. Caro

    PS :
    J’espère que tu es finalement parti de France. Ce pays est magnifique, avec une culture d’une grande richesse. Mais en 2013 elle condamne sa population à avoir peur de tout. Et tu sembles en faire les frais. La France est un pays avec pleines d’opportunités de business, mais il faut se détacher de cette « sécurité » à outrance qui nous empêche tout simplement d’avancer. Pour acquérir cet état d’esprit, pas le choix, faut prendre du recul out of the country 🙂
    Pour peut-être y revenir plus tard, plus fort et mieux armé pour combattre ces peurs irrationnelles.
    Salutations d’ailleurs,
    Caro

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    1. Neo

      Hélas non!

      Je suis revenu en France suite à quelques contraintes financières et administratives. Mais ce n’est que partie remise.

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