Comment Sarkozy a aggravé la haine de la France chez les jeunes générations d’africains

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S’il y a des élections présidentielles occidentales qui intéressent au plus haut point les africains que nous sommes, ce sont bien celles des USA et de la France. Je veux parler des dernières en dates, celles de Barack Obama et Nicolas Sarkozy. En effet, les élections de l’un et l’autre avaient suscité un immense élan d’espoir en Afrique. Sarkozy, comme le disait son slogan de campagne, représentait l’espoir d’une rupture avec les vieilles traditions de la « françafrique ». Obama quand à lui, a été le symbole d’une reconnaissance de tous les noirs discriminés à travers le monde. Que s’est-il passé depuis? Comment l’espoir suscité par l’élection de Sarkozy s’est transformé en désespoir? En sera t’il de même pour Obama?

Pour mieux cerner la façons dont les deux étaient perçus sur le continent et la façon dont eux même percevaient l’Afrique, Je me suis penché sur les discours prononcés par les deux hommes d’États à l’attention des jeunes Africains. Et je peux vous dire que les différences sont marquantes.En raison de nombreuses citations, ce billet s’annonce fort long. Cependant, j’enjoins les lecteurs à le lire attentivement, vous y verrez, même sans lire mes commentaires, l’évidente différence aux yeux des africains entre ces deux personnages (au delà de la couleur de peau).

 

« Je veux, ce soir, m’adresser à tous les Africains qui sont si différents les uns des autres, qui n’ont pas la même langue, qui n’ont pas la même religion, qui n’ont pas les mêmes coutumes, qui n’ont pas la même culture, qui n’ont pas la même histoire et qui pourtant se reconnaissent les uns les autres comme des Africains. Là réside le premier mystère de l’Afrique.

Oui, je veux m’adresser à tous les habitants de ce continent meurtri, et, en particulier, aux jeunes, à vous qui vous êtes tant battus les uns contre les autres et souvent tant haïs, qui parfois vous combattez et vous haïssez encore mais qui pourtant vous reconnaissez comme frères, frères dans la souffrance, frères dans l’humiliation, frères dans la révolte, frères dans l’espérance, frères dans le sentiment que vous éprouvez d’une destinée commune, frères à travers cette foi mystérieuse qui vous rattache à la terre africaine, foi qui se transmet de génération en génération et que l’exil lui-même ne peut effacer… »

Sarkozy à Dakar

« Ce que je dis traduit la vérité simple d’une période où les frontières entre les peuples sont débordées par nos connexions. Votre prospérité peut agrandir la prospérité de l’Amérique. Votre santé et votre sécurité peuvent contribuer à la santé et à la prospérité du monde. Et la force de votre démocratie peut aider l’avancée des droits humains pour les peuples du monde entier.

Je ne vois pas les pays et les peuples d’Afrique comme un monde à part ; je vois l’Afrique comme une partie fondamentale de notre monde interconnecté… comme des partenaires au nom du futur que nous voulons pour tous nos enfants. Ce partenariat doit être fondé sur une responsabilité et un respect mutuels. Et c’est de cela que je veux parler avec vous aujourd’hui. »

Obama à Accra.

Traduction : Le discours de Sarkozy est un discours de mystique. Il parle de « mystères », de « foi mystérieuse », tout ça, on croirait voir des marabouts-sorciers danser autour de lui. Et il présente ce mysticisme comme « l’aspect positif de l’Afrique ». Il dit : « Vous souffrez, vous vous entre-tuez, mais vous êtes bizarres, et c’est pour ça qu’on vous aime bien » (vous les sauvages).

Obama, au contraire, parle d’économie, il parle de partenariat, il dit que le bonheur d’un peuple fait le bonheur des autres peuples. Ce n’est pas un discours complètement abrutissant.

Contrairement à celui de Sarkozy.

« Il y a eu la traite négrière, il y a eu l’esclavage, les hommes, les femmes, les enfants achetés et vendus comme des marchandises. Et ce crime ne fut pas seulement un crime contre les Africains, ce fut un crime contre l’homme, ce fut un crime contre l’humanité toute entière.
[…]
La colonisation n’est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l’Afrique. Elle n’est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n’est pas responsable des génocides. Elle n’est pas responsable des dictateurs. Elle n’est pas responsable du fanatisme. Elle n’est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n’est pas responsable des gaspillages et de la pollution. »

Sarkozy à Dakar.

« Dans de nombreux endroits, l’espoir de la génération de mon père a cédé le pas au cynisme, souvent au désespoir. Il est facile de pointer du doigt les autres et de les blâmer pour ces problèmes. Oui, une carte coloniale sans grand sens a contribué à la naissance des conflits. L’occident a souvent regardé l’Afrique comme une pourvoyeuse de matières première ou une source de ressources plutôt que comme un partenaire. Mais l’Occident n’est pas responsable de la destruction de l’économie de Zimbabwe durant cette dernière décennie, ou des guerres dans lesquelles les enfants sont enrôlés comme combattants. »

Obama à Accra.

Traduction: Sarkozy parle de la traite des esclaves, il parle de la colonisation, et c’est tout. Il présente ça comme des évènements lointains, sans rapport avec le présent. Et quand il parle de la colonisation, il dit « le colonisateur a pris », et hop il s’empresse d’ajouter « il a aussi donné ». Et comme il dit la colonisation n’est responsable ni des guerres, ni des dictateurs, ni de la corruption. Elle est responsable de quoi alors ? De rien, selon Sarko, la colonisation n’a aucun lien avec la situation actuelle. Aucun.

Obama, s’il réfute aussi le fait que la colonisation soit responsable « de tout », ne nie pas toutes ses responsabilités, et parle d’exemples précis. Il admet que les guerres en Afrique sont souvent le fruit de la colonisation. Et même, il ose faire une petite allusion au néo-colonialisme, à savoir le pillage des ressources qui n’a jamais cessé. Il est regrettable qu’il ai utilisé le passé, d’ailleurs. Ce n’est pas du passé, c’est bien présent. Et il aurait aussi pu dire que l’Europe, l’ex-URSS et les Etats-Unis sont responsables de 80% des dictatures Africaines. Mais bon, faut pas trop en demander, je suppose.

Et après ça, Sarkozy parle de l’art, des mythes, de la « civilisation Africaine », du lien de l’Afrique avec la nature, du destin mêlé (grâce à la colonisation), Mais zzzzz quoi ! Ce n’est que du blablatage, et on s’endort, ça ne représente rien pour tous ceux qui crèvent de faim !

Pendant ce temps, Obama parle des gouvernement exploiteurs, des commissions de 20%, des autorités portuaires corrompues, de la nécessité non seulement des élections, mais aussi d’institutions fortes et indépendantes. Et je ne suis pas obamaniaque, mais putain, ça a quand même plus de gueule !

« Mais je suis venu vous dire que la part d’Europe qui est en vous est le fruit d’un grand péché d’orgueil de l’Occident mais que cette part d’Europe en vous n’est pas indigne.

Car elle est l’appel de la liberté, de l’émancipation et de la justice et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Car elle est l’appel à la raison et à la conscience universelles. “

Sarkozy à Dakar.

Ah, ce passage, ce sublime passage !

On ne le relève jamais. Jamais. On devrait pourtant. Car, qu’y dit Sarkozy, si ce n’est que, si ‘l’Africain’ aspire à la démocratie, à la liberté et à la raison, c’est grâce à la part ‘d’Européen’ qui est en lui ? Je n’ai jamais vu un tel étalage de racialisme primaire.

Et pendant ce temps, Obama continue de parler du soutien de l’Amérique aux institutions fortes mais responsables, de son mépris pour les hommes forts qui se dressent au sommet par des coups d’État, et de sa demande d’une plus grande attention apportée à la corruption dans les rapports des Droits de l’Homme. Quel idiot, n’est-ce pas ?

« Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire.

Le problème de l’Afrique, c’est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l’éternel retour, c’est de prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu’il n’a jamais existé.

Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance.

Le problème de l’Afrique, c’est que trop souvent elle juge le présent par rapport à une pureté des origines totalement imaginaire et que personne ne peut espérer ressusciter.

Le problème de l’Afrique, ce n’est pas de s’inventer un passé plus ou moins mythique pour s’aider à supporter le présent mais de s’inventer un avenir avec des moyens qui lui soient propres.

Etc Etc… »

Faites jouer les violons ! Non seulement Sarkozy continue avec sa ritournelle incessante du ‘mythe Africain’, non seulement il dit que les Africains (tous les Africains) sont des paresseux, des bons à rien, des rêveurs (comme ces salauds de chômeurs Français, sans doute), mais il joue du violon, sans cesse, à en casser les oreilles.

Au début de ses phrases, il répète 7 fois ‘Le problème de l’Afrique, c’est’, 4 fois ‘Le défi de l’Afrique, c’est’, 5 fois ‘Je suis venu vous dire’, 7 fois ‘Je ne suis pas venu vous dire’, 4 fois ‘Jeunes d’Afriques’, 4 fois ‘La colonisation fut’, 4 fois ‘Ils ont eu tort.’, 3 fois ‘Nul ne peut faire comme si’, 4 fois ‘Dès lors que vous’, 6 fois ‘La Réalité de l’Afrique, c’est’, 6 fois ‘Je Sais’, et je n’en peux plus, rien qu’à lire ce discours il me semble que je vais devenir sourd, devant une horreur aussi creuse, aussi pleine d’une pompeuse vanité littéraire qu’un enfant de 3 ans n’oserait pas commettre. J’en ai l’estomac au bout des lèvres, et les tympans hors des oreilles, de cette bouillie redondante, emplie de mépris et de racialisme.

Voila le genre de chose qu’Obama ne fait pas. Non pas qu’il soit particulièrement génial. Mais parce qu’il n’est pas aussi nul.

Un seul constat de ces deux visions : la méconnaissance totale de l’actualité africaine par Nicolas Sarkozy. Moi, j’appelle ça de l’ignorance.

Aussi, seules des gens ayant une vue fort basse peuvent croire que ces deux discours sont similaires. Oui, il y a les mots ‘Jeunes d’Afrique’, et ‘Avenir de l’Afrique’, oui ça parle de colonisation et d’esclavage dans les deux discours.
Mais toute personne un peu avertie sait bien que le thème ne fait pas le discours.

Aussi, je crois que pour celui qui s’interroge encore sur les raisons de la mauvaise réputation de Sarkozy en Afrique, les réponses sont toutes trouvées.

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