Pourquoi je ne retournerais pas occuper un poste dans mon pays (Partie 1/2).

Les temps sont durs. C’est une lapalissade que de le dire…

C’est vrai… nous avons tous statistiquement dans notre entourage une personne qui mène un véritable Guerrilla dans sa recherche d’emploi… et force est de constater que la débauche d’énergie déployée par ton frère, ta sœur ou ton pote du quartier laisse à penser que trouver un taff aujourd’hui revient à exécuter les 12 travaux d’Héraclès. Toute ma compassion va à ces jeunes diplômés du bled qui, une fois leurs précieux sésames en poche se démènent comme des Diables pour avoir la chance de recevoir une fiche de paie dont l’entête porterait un matricule frappé du sigle « Ministère des Finances », « Ministère de la fonction publique », « Ministère de l’éducation nationale », et autres frères de lait du gouvernement de leurs pays.
Comment se déroule cette quête du Saint-Graal en général ? Voici ce que l’expérience (la mienne) montre :

Un jeune africain à la tête bien faite, élégant de sa personne, diplômé d’un solide Bac+5 se décide à mettre en place une stratégie d’attaque simple mais qu’il pense redoutable (après tout… c’est ce qu’on lui enseigne dans l’école des longs crayons). Il a revêtu son armure de soldat romain prêt à partir en guerre, révisé son Sun Tzu qu’il a consciencieusement relu et annoté pour échafauder ses plans.

Étape 1 : construire une catapulte.
La catapulte de celui qui recherche une intégration au corps de la fonction publique ou même d’une entreprise privée c’est son « Réseau ». Il a réussi à se faire remarquer en assistant à un meeting politique où le gourou s’est révélé être un ancien Ministre Camerounais qui s’était rendu compte que berner de crédules âmes villageoises en détresse en leur promettant de leur « apporter le développement, les routes, les écoles » était moins rentable et plus risqué que de guérir le manque de confiance chronique des jeunes chercheurs d’emplois affamés. Il avait abandonné l’arme de la distribution de sacs de riz, de tee-shirts et de savons quand il s’était rendu compte que le désir d’élitisme (par l’intégration à la fonction publique) en était un bien plus puissant… une position symbolique que certains investissaient des même pouvoirs qu’un fétiche bamiléké. Notre jeune africain se sentait bien armé de ce côté-là.

Étape 2 : viser l’ennemi et le bombarder avec précision.
Après avoir envoyé sa demande d’aide insipide à toutes les élites originaires de son village (« parce que, Néo, t’as vu… c’est toujours derrière quelqu’un qu’on deviens quelqu’un »). Notre jeune africain a été généreux dans le nombre de lettres envoyées, de motions de soutien spontanées, de réponses à des demandes de volontaires pour la préparations de campagnes, Il n’est pas du genre à faire les choses à moitié : comme il est un peu obsessionnel compulsif, il répète toujours deux fois son nom et son origine chaque fois qu’il s’adresse à une personnalité (« juste au cas où, Neo... » ). Il est du genre à faire la courbette pour un rien et à applaudir des quatre mains toutes les initiatives de l’élite… brave petit.

Étape 3 : Parlementer avec l’ennemi et essayer de parvenir à un accord de paix.
Le jeune candidat a bien appris sa leçon : son comportement a été évalué comme étant tout à fait « exemplaire » (lire inodore, incolore et sans saveur). Grâce à la recommandation de son « Réseau », il est donc invité à la table des négociations plus connue sous le nom d’entretien de recrutement dans le jargon local. Notre jeune avait compris les règles du jeu : s’il avait été invité à cet entretien, c’est uniquement parce que son « Réseau » était intervenu, même si son CV transpirait l’ennui par tous les pores de la cellulose sur lequel il était imprimé… et que son profil, qu’il avait pris soin de “lisser”, semblait passe-partout: même la consonance de son nom est dans l’air du temps… Tribalisme oblige. On ne l’avait pas sélectionné parce qu’il était particulièrement créatif ou intelligent… on se foutait, par exemple, qu’il ai soutenu une thèse de doctorat sur « les causes de la pauvreté en Afrique et les moyens d’y remédier »… on avait pas besoin de révolutionnaires… on avait simplement besoin d’une variable d’ajustement… d’un nouveau boulon dans la gigantesque machine qu’était l’administration. Notre jeune comprenait qu’il devait laisser sa personnalité à la porte comme on laissait ses babouches à l’entrée de la mosquée. Par conséquent, notre jeune, sage comme une image, s’était employé à donner les réponses qu’il savait être celles que ce sévère mentor voulait entendre. Il avait fait attention à ne pas dépasser en coloriant ses répliques en carton… toutes imbibées du lourd parfum « sous haute recommandation de son excellence… ». Il savait pertinemment que cette sentinelle avait pour mission de ne recruter que les éléments qui se fondraient dans le moule de l’administration (ou de l’entreprise). Pas les racailles du progrès… autrement connues sous le nom de “change agents”… ces dérangé(e)s psychologiques qui ne se satisfont jamais de l’immobilisme. On ne veut pas de ces bandes malfaisantes dans nos services… cela troublerait la stabilité que tous chérissent… d’ailleurs, la devise du Directeur n’est-elle pas “travaillons tous la main dans mains pour le bien de notre village”? Le ton est donné… Notre jeune se le tient pour dit et agit en conséquence.

Les consignes étaient claires et constituaient une sainte Trinité érigée au rang de dogme au service recrutement :

  • Pas de personnalités trop fortes, pas d’aspérités trop visibles dans le caractère de l’individu.
  • De préférence un frère du village, ou quelqu’un recommandé.
  • Recrutez comme si vous alliez acheter une plante de salon… car c’est cela que notre administration recherche : une plante silencieuse qui n’a pas besoin de trop d’eau (lire salaire) ni de lumière (lire ambition) pour survivre.

Étape 4 : Signer l’accord de paix.
Notre jeune avait reçu le contrat d’embauche. Il aurait paraphé des deux mains s’il avait pu. Il était aux anges. Victoire totale. Champagne ! Joie et fête au village !

Jusqu’ici tout allait bien…jusqu’au jour où l’actuel Directeur, sous fonds de détournements d’argent public et de corruption et marchés fictifs fut donné en pâture aux médias et à l’opinion publique par un Etat actionnaire soucieux de faire un exemple aux yeux des fonctionnaires du FMI. Le nouveau Directeur, originaire d’un autre milieu, avait une toute autre idée de l’administration.

La révolte couvait et les rumeurs allaient bon train dans les couloirs de bureaux…

(A suivre)

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