« Les hommes sont méchants. Une triste et continuelle expérience dispense de la preuve. Cependant, l’homme est naturellement bon. Je crois l’avoir démontré. Qu’est ce donc qui peut l’avoir dépravé à ce point, sinon les changements survenus dans sa constitution, les progrès qu’il a fait et les connaissances qu’il a acquise ? Qu’on admire tant qu’on voudra la société humaine, il n’en sera pas moins qu’elle porte nécessairement les Hommes à s’entre-haïr à proportion que leurs intérêts se croisent. »
Jean Jacques Rousseau, extrait du « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes ».
L’Homme est il naturellement bon ? Est-il vrai qu’on n’a pas besoin de l’attention, de l’amour, de l’aide des autres pour être heureux ? La question de savoir si les Hommes sont plus heureux seuls ou en société n’est pas philosophique. Elle est aussi et surtout psychologique. Aux yeux de Rousseau, les hommes naissaient naturellement braves, paisibles, bons et gentils. Mais au fur et à mesure qu’ils évoluaient, dès qu’on les regardait, on ne voyait que méchanceté, mensonge, trahison, crime et dépravation. La question s’imposait dont : d’où vient le mal ? Pourquoi certains garçons bien gentils deviennent des gros cons ? Comment une fille qui nous paraissait au départ toute douce et gentille peut-elle se transformer en garce ? Pourquoi certains semblaient prendre plaisir à faire du mal à leurs semblables et à eux même ? La réponse de Rousseau était simple : il considérait que nous ne sommes pas naturellement faits pour vivre en société (en communauté). Comme les autres animaux, l’Homme qui vit de façon naturelle n’a pas envie de disputes, de prise de tête. Il préfère éviter les conflits et le seul sentiment vraiment fort qu’il développe à coté de son instinct de conservation, c’est la compassion pour les autres. Malheureusement, les humains ne peuvent vivre paisiblement seuls. Les circonstances extérieures (comme le besoin de se nourrir) les obligent à se joindre aux autres, à s’unir, à se mélanger, à se croiser. Or la vie en communauté met inévitablement les hommes en concurrence. Ils deviennent méfiants, exigeants, jaloux et envieux. Dans cette comparaison avec les autres, tout amour de soi devient un amour-propre exagéré. Quand aux instincts naturels comme l’amour pour « le bien », ils s’estompent, voire disparaissent au profit de ce qui semble être de la méchanceté, de l’aigreur.
Bien des années après Rousseau, dans les années 70, un certain Robert Weiss, professeur de psychologie à l’université de Boston, consacra sa carrière à l’étude de la solitude. Convaincu que Rousseau avait tord, il montra que la solitude était le plus grand problème de la société, particulièrement dans les grandes villes où paradoxalement les gens se croisent le plus. Cette multiplicité de rencontres éphémères plongent l’individu dans le paradoxe du choix. Cette multiplicité paralyse et fait que les gens finissent pas être seuls. Les gens qui vivent ainsi seuls, dévellopent une souffrance dûe au fait que personne (ou presque) ne s’intéresse à eux, et surtout, de n’avoir personne avec qui partager leurs sentiments. Ce phénomène est bien connu de tous depuis longtemps. Mais Weiss fit une découverte étonnante. Il découvrit que plus frustrant encore que le manque de sympathie que les autres peuvent nous accorder, c’est le manque de sympathie que nous même pouvons accorder aux autres. Ne pas être aimé est terrible, mais n’avoir personne à aimer est encore plus terrible.
Cela explique pourquoi tant de personne vivant dans les sociétés occidentales (et plus particulièrement les personnes seules) possèdent des animaux de compagnie qu’ils chérissent presque autant que des êtres humains. L’animal de compagnie est un excellent substitut de l’être aimé. Cela me remémore également ce film de Robert Zemeckis, « Seul au monde » sorti il y a une dizaine d’années. Dans ce film, le personnage principal (incarné par l’acteur Tom Hanks) se retrouve seul, abandonné sur une île déserte en plein pacifique après le crash de son avion. Il y survivra tout seul pendant 4 longues années. Totalement isolé et loin de tout, va se bricoler une vie et se construire une survie. En outre (et un des aspects les plus importants du film à mon avis), pour tromper la solitude et vaincre le temps qui passe, il s’invente un ami à l’aide d’un ballon de volley qu’il baptise Wilson et à qui il parle quotidiennement, lui confiant ses pensées les plus intimes. Il va marquer Wilson de son sang. Celui ci deviendra son calendrier, son seul ami, son repère. Celui dont il aura besoin pour ne pas péter un câble et sombrer dans la folie. Et celui pour lequel – parce que tout homme a autant besoin d’aimer que d’être aimé – il va même être prêt à risquer sa vie.
Pour conclure, je suis d’avis que nous somme tous sociables par nature et comme toutes les espèces vivantes, nous ne sommes pas programmés pour vivre de façon absolument solitaire. Il existe bien sûr des gens plus ouverts et sociables que d’autres mais quelqu’un de totalement fermé à toute relation a manifestement un trouble du comportement. Il ne faut pas le blâmer top vite ! Il est fort probable qu’il soit devenu amer, dégouté des relations suite à de multiples frustrations et déceptions. Dès lors, cette personne ne se comporte plus comme un être humain « normal ». Les gens normaux vont à la rencontre des autres parce qu’ils y trouvent un intérêt. Et ils le font parce que cet intérêt pour d’autre personne leur fait à eux même du bien. Mais quelquefois, ça se passe mal. Très mal ! Et le réflexe dans ces situations est de se renfermer. Beaucoup de gens qui se renferment ainsi vivent seuls, deviennent prisonniers de leur petit monde. Ils s’enferment dans leur petit univers qu’ils organisent de manière rigide et étriquée, deviennent raides et inflexibles et ont du mal à supporter une quelconque influence extérieure. Comme il leur manque la possibilité de comparer leurs impressions à celles des autres, ils se trompent la plupart du temps lorsqu’il s’agit de se juger ou de juger les autres.
Voilà pourquoi s’ouvrir, être prêt à échanger avec autrui, se soucier de l’autre, est un moyen de sortir de sa propre étroitesse. Faire des choses pour les autres est important pour sa propre psyché. C’est ce que j’applique dans ma propre vie, en veillant cependant à ne pas trop accorder d’attention à n’importe qui ou a réclamer l’attention de n’importe qui. Si quelqu’un qui semble heureux ne te rend pas (ou a cessé de te rendre) heureux, NEXT! Car avoir besoin des autres ne signifie pas avoir besoin de tout le monde. Il vaut parfois mieux être seul que mal accompagné. Comme disait Hugo, La solitude est bonne aux grands esprits et mauvaise aux petits. La solitude trouble les cerveaux qu’elle n’illumine pas.
C’est toujours un plaisir de lire tes petites (grandes) leçons de vie qui analysent justement la réalité. 🙂
Et c’est toujours un plaisir d’avoir de petits commentaires comme le tien. 🙂
merci pour cet article! Ca m’a aidé à réfléchir sur beaucoup de comportements y compris le mien
J’insiste sur le fait que nous sommes sociables par nature. Mais, je préfère être seule dans la plupart du temps. C’est vrai que je veux échanger avec l’autre mais cela se fait avec précaution. Car, je n’ai confiance en personne.
No hope for the Human Race, uh! ^^
La solitude a toujours deux facettes. Volontaire, elle élève et purifie. Obligatoire, elle étouffe et détruit.