En me réveillant, ce matin, quelle ne fut pas ma tristesse d’apprendre comme tout le monde le décès de Steve Jobs, le père des ipod iphone et ipad, survenu la nuit dernière.
J’avais prévu de vous écrire dans ce billet tout ce que je pense de cet homme brillant, ce génie qui est et restera l’un de mes plus grands modèles et l’une de mes plus grandes sources d’inspiration. Mais non… Je vais vous laisser vous faire votre propre avis, c’est une bien meilleure idée et vous ne serez pas conditionné par toutes les conneries que j’aurai pu écrire. C’est mieux non ?
Je vous conseille donc juste de prendre 15 minutes de votre temps, et de regarder/écouter/lire ce que raconte Steve Jobs dans ce qui va suivre, comment en est-il arrivé là, son rapport avec la mort, son envie insatiable de réussir, etc… Si vous êtes un brin ambitieux, vous allez surement comprendre ce que j’ai pu ressentir devant ce discours prononcé par Steve Jobs lors de la remise des diplômes de l’université américaine de Stanford le 12 juin 2005, et devant un parterre d’étudiants subjugués.
Comme je vous aime bien, voici la transcription traduite de son discours, pour ceux qui seraient fachés avec la langue de Shakespeare:
« Cest un honneur de me trouver parmi vous aujourd’hui et dassister à une remise de diplômes dans une des universités les plus prestigieuses du monde. Je nai jamais terminé mes études supérieures. A dire vrai, je nai même jamais été témoin d’une remise de diplômes dans une université. Je veux vous faire partager aujourd’hui trois expériences qui ont marqué ma carrière. Cest tout. Rien dextraordinaire. Juste trois expériences.
-
1. « Pourquoi jai eu raison de laisser tomber l’université »
La première concerne les conséquences imprévues. Jai abandonné mes études au Reed College au bout de six mois, mais j’y suis resté auditeur libre pendant dix-huit mois avant de laisser tomber définitivement. Pourquoi n’ai-je pas poursuivi ?
Tout a commencé avant ma naissance. Ma mère biologique était une jeune étudiante célibataire, et ne voulant pas avorter elle avait choisi de me confier à des parents adoptifs. Elle tenait à me voir entrer dans une famille de diplômés universitaires, et tout avait été prévu pour que je sois adopté dès ma naissance par un avocat et son épouse. Sauf que, lorsque je fis mon apparition, ces derniers décidèrent au dernier moment qu’ils préféraient adopter une fille. Mes parent actuels, qui étaient sur une liste dattente, reçurent un coup de téléphone au milieu de la nuit : « Nous avons un petit garçon qui nétait pas prévu. Le voulez-vous ? » Ils répondirent : « Bien sûr. » Ma mère biologique découvrit alors que ma mère adoptive n’avait jamais eu le moindre diplôme universitaire, et que mon père navait jamais terminé ses études secondaires. Elle refusa de signer les documents définitifs d’adoption et ne s’y résolut que quelques mois plus tard, quand mes parents lui promirent que j’irais à l’université.
Dix-sept ans plus tard, jentrais donc à l’université. Mais j’avais naïvement choisi un établissement presque aussi cher que Stanford, et toutes les économies de mes parents servirent à payer mes frais de scolarité. Au bout de six mois, je n’en voyais toujours pas la justification. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie et je n’imaginais pas comment l’université pouvait m’aider à trouver ma voie. Jétais là en train de dépenser tout cet argent que mes parents avaient épargné leur vie durant. Je décidai donc de laisser tomber. Une décision plutôt risquée, mais rétrospectivement c’est un des meilleurs choix que j’aie jamais fait. Dès le moment où je renonçais, j’ai abandonné les matières obligatoires qui m’ennuyaient pour suivre les cours qui mintéressaient.
Tout n’était pas rose. Je n’avais pas de chambre universitaire, je dormais à même le sol chez des amis. Je ramassais des bouteilles de Coca-Cola pour récupérer la ristourne de 5 cents et acheter de quoi manger, et tous les dimanches soir je faisais 10 kilomètres à pied pour traverser la ville et moffrir un repas gratuit au temple de Hare Krishna. Un régal. Et ce que je découvris alors, guidé par ma curiosité et mon intuition, se révéla inestimable à l’avenir. Laissez-moi vous donner un exemple : le Reed College dispensait probablement alors le meilleur enseignement de typographie de tout le pays. Dans le campus, chaque affiche, chaque étiquette sur chaque tiroir était parfaitement calligraphiée. Parce que je n’avais pas à suivre de cours obligatoires, je décidai de minscrire en cours de calligraphie. Cest ainsi que j’appris tout ce qui concernait l’empattement des caractères, les espaces entre les différents groupes de lettres, tous ces détails qui font la beauté dune typographie. Cétait un art ancré dans le passé, une subtile esthétique qui échappait à la science. J’étais fasciné.
Rien de tout cela nétait censé avoir le moindre effet pratique dans ma vie. Pourtant, dix ans plus tard, alors que nous concevions le premier Macintosh, cet acquis me revint. Et nous l’incorporâmes dans le Mac. Ce fut le premier ordinateur doté dune typographie élégante. Si je n’avais pas suivi ces cours à l’université, le Mac ne posséderait pas une telle variété de polices de caractères ni ces espacements proportionnels. Et comme Windows s’est borné à copier le Mac, il est probable qu’aucun ordinateur personnel n’en disposerait. Si je n’avais pas laissé tomber mes études à l’université, je n’aurais jamais appris la calligraphie, et les ordinateurs personnels nauraient peut-être pas cette richesse de caractères. Naturellement, il était impossible de prévoir ces répercussions quand j’étais à l’université. Mais elles me sont apparues évidentes dix ans plus tard.
On ne peut jamais prévoir l’incidence qu’auront certains événements dans le futur ; c’est après coup seulement qu’apparaissent les liens. Vous pouvez seulement espérer quils joueront un rôle dans votre avenir. L’essentiel c’est de croire en quelque chose. Croire en votre destin, votre vie, votre karma, peu importe. Cette attitude a toujours marché pour moi, et elle a régi ma vie.
-
2. « Pourquoi mon départ forcé d’Apple fut salutaire »
Ma deuxième histoire concerne la passion et l’échec. Jai eu la chance d’aimer très tôt ce que je faisais. Javais 20 ans lorsque Woz [Steve Wozniak, le co-fondateur dApple] et moi avons créé Apple dans le garage de mes parents. Nous avons ensuite travaillé dur et, dix ans plus tard, Apple était une société de plus de 4 000 employés dont le chiffre daffaires atteignait 2 milliards de dollars. Nous venions de lancer un an plus tôt notre plus belle création, le Macintosh, et je venais d’avoir 30 ans.
Cest alors que je fus viré. Comment peut-on vous virer d’une société que vous avez créée ? Cest bien simple, Apple ayant pris de l’importance, nous avons engagé quelqu’un qui me semblait avoir les compétences nécessaires pour diriger l’entreprise à mes côtés et, pendant la première année, tout se passa bien. Puis nos visions ont divergé, et nous nous sommes brouillés. Le conseil d’administration s’est rangé de son côté. Cest ainsi qu’à 30 ans je me suis retrouvé sur le trottoir. Viré avec perte et fracas. La raison d’être de ma vie n’existait plus. Jétais en miettes.
Je suis resté plusieurs mois sans savoir quoi faire. J’avais limpression d’avoir trahi la génération qui m’avait précédé d’avoir laissé tomber le témoin au moment où on me le passait. Cétait un échec public, et je songeais même à fuir la Silicon Valley. Puis j’ai peu à peu compris une chose : j’aimais toujours ce que je faisais. Ce qui métait arrivé chez Apple n’y changeait rien. Javais été éconduit, mais jétais toujours amoureux. Jai alors décidé de repartir de zéro.
Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, mais mon départ forcé d’Apple fut salutaire. Le poids du succès fit place à la légèreté du débutant, à une vision moins assurée des choses. Une liberté grâce à laquelle je connus l’une des périodes les plus créatives de ma vie.
Pendant les cinq années qui suivirent, jai créé une société appelée NeXT et une autre appelée Pixar, et je suis tombé amoureux d’une femme exceptionnelle qui est devenue mon épouse. Pixar, qui allait bientôt produire le premier film d’animation en trois dimensions, Toy Story , est aujourdhui la première entreprise mondiale utilisant cette technique. Par un remarquable concours de circonstances, Apple a acheté NeXT, je suis retourné chez Apple, et la technologie que nous avions développée chez NeXT est aujourdhui la clé de la renaissance d’Apple. Et Laurene et moi avons fondé une famille merveilleuse.
Tout cela ne serait pas arrivé si je n’avais pas été viré d’Apple. La pilule fut horriblement amère, mais je suppose que le patient en avait besoin. Parfois, la vie vous flanque un bon coup sur la tête. Ne vous laissez pas abattre. Je suis convaincu que cest mon amour pour ce que je faisais qui ma permis de continuer. Il faut savoir découvrir ce que l’on aime et qui l’on aime. Le travail occupe une grande partie de l’existence, et la seule manière d’être pleinement satisfait est d’apprécier ce que l’on fait. Sinon, continuez à chercher. Ne baissez pas les bras. Cest comme en amour, vous saurez quand vous aurez trouvé. Et toute relation réussie saméliore avec le temps. Alors, continuez à chercher jusquà ce que vous trouviez.
-
3. « Pourquoi la mort est la meilleure chose de la vie »
Ma troisième histoire concerne la mort. A l’âge de 17 ans, jai lu une citation qui disait à peu près ceci : « Si vous vivez chaque jour comme sil était le dernier, vous finirez un jour par avoir raison. » Elle m’est restée en mémoire et, depuis, pendant les trente-trois années écoulées, je me suis regardé dans le miroir chaque matin en me disant : « Si aujourdhui était le dernier jour de ma vie, est-ce que jaimerais faire ce que je vais faire tout à l’heure ? » Et si la réponse est non pendant plusieurs jours d’affilés, je sais que jai besoin de changement.
Avoir en tête que je peux mourir bientôt est ce que jai découvert de plus efficace pour m’aider à prendre des décisions importantes. Parce que presque tout tout ce que l’on attend de l’extérieur, nos vanités et nos fiertés, nos peurs de l’échec, s’efface devant la mort, ne laissant que l’essentiel. Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon d’éviter le piège qui consiste à croire que l’on a quelque chose à perdre. On est déjà nu. Il ny a aucune raison de ne pas suivre son coeur.
Il y a un an environ, on diagnostiquait que javais un cancer. A 7 heures du matin, le scanner montrait que jétais atteint dune tumeur au pancréas. Je ne savais même pas ce qu’était le pancréas. Les médecins m’annoncèrent que c’était un cancer probablement incurable, et que j’en avais au maximum pour six mois à vivre. Mon docteur me conseilla de rentrer chez moi et de mettre mes affaires en ordre, ce qui signifie en language médical: « Préparez-vous à mourir. » Ce qui signifie dire à ses enfants en quelques mois tout ce que vous pensiez leur dire pendant les dix prochaines années. Ce qui signifie essayer de faciliter les choses pour votre famille. En bref, faire vos adieux.
Jai vécu avec ce diagnostic pendant toute la journée. Plus tard dans la soirée, on m’a fait une biopsie, introduit un endoscope dans le pancréas en passant par l’estomac et l’intestin. Jétais inconscient, mais ma femme, qui était présente, m’a raconté qu’en examinant le prélèvement au microscope, les médecins se sont mis à pleurer, car javais une forme très rare de cancer du pancréas, guérissable par la chirurgie. On ma opéré et je vais bien maintenant.
Ce fut mon seul contact avec la mort, et jespère qu’il le restera pendant encore quelques dizaines d’années. Après cette expérience, je peux vous le dire avec plus de certitude que la mort n’était pour moi qu’un concept purement intellectuel : personne ne désire mourir. Même ceux qui veulent aller au ciel n’ont pas envie de mourir pour y parvenir. Pourtant, la mort est un destin que nous partageons tous. Personne n’y a jamais échappé. Et c’est bien ainsi, car la mort est probablement ce que la vie a inventé de mieux. C’est le facteur de changement de la vie. Elle nous débarrasse de l’ancien pour faire place au nouveau. En ce moment, vous représentez ce qui est neuf, mais un jour vous deviendrez progressivement l’ancien, et vous laisserez la place aux autres. Désolé dêtre aussi dramatique, mais c’est la vérité.
Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui nest pas la vôtre. Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre coeur et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Le reste est secondaire.
Dans ma jeunesse, il existait une extraordinaire publication The Whole Earth Catalog , l’une des bibles de ma génération. Elle avait été fondée par un certain Stewart Brand, non loin d’ici, à Menlo Park, et il l’avait marquée de sa veine poétique. C’était à la fin des années 1960, avant les ordinateurs et l’édition électronique, et elle était réalisée entièrement avec des machines à écrire, des paires de ciseaux et des appareils Polaroid. Cétait une sorte de Google en livre de poche, trente-cinq ans avant la création de Google. Un ouvrage idéaliste, débordant de recettes formidables et d’idées épatantes.
Stewart et son équipe ont publié plusieurs fascicules de The Whole Earth Catalog. Quand ils eurent épuisé la formule, ils sortirent un dernier numéro. Cétait au milieu des années 1970, et javais votre âge. La quatrième de couverture montrait la photo d’une route de campagne prise au petit matin, le genre de route sur laquelle vous pourriez faire de l’auto-stop si vous avez l’esprit d’aventure. Dessous, on lisait : « Soyez insatiables. Soyez fous. » Cétait leur message d’adieu. Soyez insatiables. Soyez fous. Cest le voeux que j’ai toujours formé pour moi. Et aujourd’hui, au moment où vous recevez votre diplôme qui marque le début d’une nouvelle vie, cest ce que je vous souhaite.
* Restez insatiables. Restez fous.
Merci à tous.»
Pingback: Le talent fait gagner de l’argent, mais seul le génie peut changer le monde | Réussir sa vie en partant de zéro