En février dernier, s’adressant aux salariés de Facebook, le président Barack Obama déclarait pour la seconde fois « nous voulons plus d’Andy Grove ici, aux Etats-Unis », faisant référence au succès du fondateur d’Intel, d’origine hongroise. « Nous ne voulons pas les voir aller lancer le prochain Intel en Chine, ou en France« . Barack Obama soulignait ainsi l’inconsistance qu’il y avait à former des étudiants pour ensuite les obliger à quitter le pays pour créer de l’emploi dans d’autres pays et augmenter ainsi la concurrence internationale.
Andy Grove d’Intel, Sergey Brin de Google, Pierre Omidyar d’eBay ou Jerry Yang de Yahoo! Ces fondateurs de quelques-unes des plus grandes sociétés américaines ont un point en commun : comme 41 % des dirigeants des 500 premières entreprises aux Etats-Unis, ils sont tous des immigrés (pour 90 d’entre eux) ou des enfants d’immigrés (pour 104 d’entre eux). Même célèbre fondateur d’Apple, Steve Jobs, était le fils d’un immigré Syrien.
Aux USA, on piétine….
Depuis bientôt deux ans, le Startup Visa act, est en discussion au sénat américain. c’est un des rares projets de loi sur lequel les deux partis (républicains et démocrates) sont d’accord: il faut encourager les entrepreneurs qualifiés à venir créer leurs entreprises aux USA, en leur donnant plus de visas. Malheureusement, si les américains sont globalement d’accord pour accueillir plus de médecins, ingénieurs, et scientifiques de haut niveau, les visas qualifiés restent difficiles à obtenir. Et ce pour la simple raison que les américains essayent de résoudre tous les problèmes liés à l’immigration à la fois. Le débat public se focalise essentiellement sur le problème de l’immigration clandestine (notamment en provenance du Mexique), et monopolise le débat. Ce qui crée un gros bordel et transforme les procédures d’immigration en casse-tête chinois, notamment pour les entreprises cherchant à recruter des étrangers.
Ainsi donc, bien que beaucoup de leurs plus grandes sociétés soient fondées par des migrants de première génération, le nombre de visas octroyés pour des raisons économiques chute continuellement aux Etats-Unis. Cette part a reculé en vingt ans, et ne représente aujourd’hui que 10 % des visas permanents octroyés, contre 18 % en 1991. Nombreux sont les étudiants des universités américaines qui ont rencontré des difficultés pour obtenir un visa ou un permis de travail (le fameux H1-B). Ces innovateurs confrontés à une menace d’expulsion, émmigrent tout simplement dans d’autres pays pour y démarrer leur activité.
Au Canada, les portes restent entrouvertes.
Contrairement aux USA, le Canada voisin continue à l’accueillir à bras ouvert les immigrés qualifiés. Selon The Economist, les visas économiques représentaient, en 2012, 67 % des visas permanents délivrés au Canada, contre seulement 18 % en 1991. Le 1er avril dernier, le Canada a officiellement lancé son Startup Visa program, sur le modèle américain. En voulant faire du Canada une destination pour les entreprises d’innovation globale, en offrant un soutien aux nouvelles entreprises et d’autres avantages pour devenir résident canadien et, éventuellement, acquérir la nationalité canadienne, le gouvernement canadien accueille ainsi beaucoup d’entrepreneurs formés aux USA ou en Europe. De la bouche même du ministre de l’immigration, « Faciliter la création d’entreprises dans le pays pourrait attirer des entrepreneurs issus non seulement de leur pays d’origine mais également de pays où ils font des études, occupent un travail temporaire ou relèvent d’un autre statut moins propice à l’immigration« .
Avant de pouvoir se porter candidat au programme Start-Up Visa, les entrepreneurs doivent néanmoins d’abord obtenir le soutien d’investisseurs ou d’un fond de capital risque canadien. le gouvernement s’associe d’ailleurs dans ce projet à plusieurs fonds de capital risques et incubateurs de start-up canadiens basés à Vancouver ou Toronto. Quoi de plus simple que d’aller les démarcher sur place ? Avec le statut « étudiant étranger » en France, j’ai pu obtenir sur simple demande à l’ambassade du Canada à Paris et en 48h, un visa «Business-Visitor » valable 5 ans. De quoi laisser largement le temps de peaufiner son business plan et trouver des financements.
En Europe, ça dépends.
Si un pays comme la France reste le champion incontesté de l’immigration « regroupement familial » pour maintenir sa démographie, le voisin Allemand lui est résolument tourné vers l’immigration économique et entrepreneurial pour maintenir sa croissance. Question de mentalité. L’immigration professionnelle est ainsi devenu ces dernières années un axe stratégique du gouvernement allemand qui multiplie les initiatives et les campagnes de communucation pour attirer les cerveaux. Comme l’affirme ce gérant de fonds d’investissement dans un interview, l’écosystème allemand de start-up est encore récent, leurs PME et grandes entreprises sont beaucoup plus innovantes et agressives que les françaises. Ce qui n’est pas forcément rassurant pour les petits Français, qui envient également le talent « d’exécution » des Allemands, leur capacité à mener rapidement les projets à terme. L’Allemagne attire les jeunes entrepreneurs. Berlin surtout a pris au cours des dernières années des allures d’eldorado pour les jeunes entrepreneurs aux idées ingénieuses. Un vrai boom avec 2100 créations d’entreprises innovantes en 2012 dans le domaine du high-tech, soit plus que les trois années précédentes cumulées. Ce n’est pas une surprise si les plus grands succès récents du web européen sont estampillés « Deutsche Qualität » : Zalando, SoundCloud, eDarling, Trivago, EyeEm, etc.
Pour la petite anecdote, après mon diplôme obtenu en France, je suis allé me renseigner à la préfecture de Paris: « en tant qu’étudiant étranger, quel statut pourrait me permettre de démarrer une start-up en France? ». Réponse de la préfecture : »Aucun! ». Il n’existe que 3 façons simples pour un immigré qualifié de s’installer en France. Du plus simple au plus difficile : fonder une famille avec un(e) français(e) et devenir « immigré familial », ouvrir un kebab et prendre le statut de « commerçant », ou trouver un job en CDI et devenir « salarié ». La quatrième alternative qui m’a été offerte a été de retourner en Afrique demander un visa « compétences et talents » à l’ambassade de France, avec obligation de retourner dans mon pays à l’expiration du-dit visa. (sic.)
A la même question posée quelques jours plus tard à l’ambassade d’Allemagne à Paris, la réponse fut, comment dire…différente. Les allemands m’ont offert en 48h un visa de 6 mois qui me permet soit de rechercher et occuper n’importe quel emploi qualifié en Allemagne, soit d’y créer une entreprise. Une fois l’emploi trouvé ou l’entreprise créée, une carte de résidence permanente est délivrée sur simple demande à l’administration locale. De quoi donner envie de plier bagage pour la Sillicon Valey Européenne.
Dans les BRICS, on est devenu aussi agressif…
« Les jeunes chinois, indiens, polonais ne veulent plus travailler pour nous. Ils ambitionnent même plus à être comme nous. Ce qu’ils veulent c’est nous dominer. »
Ces mots sont de Bill Gates, ex-CEO et fondateur de Microsoft. Ce dernier avait été choqué lors d’un séjour en Asie, d’être accueilli en véritable star, comme Britney Spear ou Lady Gaga. La chine, tout le monde connait ses ambitions, même si la politique limite les succès des start up chinoises aux marché chinois. L’inde quant à elle ne veut plus se contenter d’être le « call center » du monde anglo-saxon, et s’atèle à créer des startups dans le sillage d’entreprises comme Airtel ou Infosys, appelées à dominer les marchés émergents. Le Brésil et le Chili ne sont pas en reste. En Russie, les milliardaires locaux ont trouvé un nouveau passe temps : détecter et investir dans les start-up technologiques les plus prometteuses; le plus emblématique d’entre eux étant Yuri Milner. Il y a aurait tellement à dire sur les pays émergents que je préfère m’arrêter là.
En Afrique, les infrastructures embryonnaires
La diversité des situations dans chaque pays du continent fait qu’il n’existe pas de consensus. Même si la tendance générale est à l’ouverture et au boom économique, certains pays plus ambitieux ont mis en place une vraie politique d’encouragement à l’entrepreneuriat. c’est notamment le cas du Ghana, Kenya, Nigeria, Sénégal, Afrique du Sud et de l’Egypte qui ont une véritable politique d’attraction d’entrepreneurs quand les autres comme le Gabon, le Congo ou l’Angola, se focalisent sur l’industrie et l’exploitation des ressources naturelles.
Je vois de plus en plus de diplômés africains et même occidentaux partir vers ces destinations. Difficile de résister à l’appel entrepreneurial. Surtout lorsque de plus en plus de fonds d’investissements et de multinationales lorgnent vers le continent. Ce n’est pas pour rien que Google (en partenariat avec Samsung) a soutenu l’an dernier la création d’un incubateur de start-ups en Afrique de Sud et au Kenya. L’avantage pour eux étant la facilité de devenir leader dans des marchés encore embryonnaires.
Au final, créer une startup c’est possible à peu près partout, à condition d’avoir les financements de démarrage, un business plan solide, et des aptitudes managériales pour mener à bien le projet. Si un pays ne correspond pas à tes aspirations entrepreneuriales, n’hésite pas à aller t’implanter ailleurs.
Fuck you la France!!!